Voici une information passée quasiment inaperçue aux yeux du grand public mais qui représente pourtant un enjeu majeur dans l’actualité environnementale du moment : au cours du premier semestre 2023, la demande de plastiques recyclés a connu un effondrement majeur, au profit des matières plastiques vierges.
Premier semestre 2023 : Les industriels tournent le dos au plastique recyclé
C’est la FEDEREC, la Fédération professionnelle des entreprises du recyclage, qui nous alerte début juillet sur cette tendance inquiétante. Concrètement, trois phénomènes agissent concomitamment :
- Un Ralentissement économique général
- Une baisse soudaine et forte de la demande de plastiques recyclés dans tous les secteurs utilisateurs et pour tous les polymères.
- Une baisse des prix des principaux plastiques vierges petro-sourcés (de -25% à -40%)
La fédération rappelle le caractère préoccupant de la diminution de l’utilisation des plastiques recyclés même pour le PET, alors que ce dernier est protégé par les obligations d’incorporation de PET recyclé (entrant en vigueur en 2025).
Entre 2014 et 2016, la filière du recyclage des plastiques avait déjà souffert de la chute des prix des matières vierges – conséquence de la chute du prix du pétrole. À l’époque, les pouvoirs publics français avaient engagé un programme ambitieux de soutien à l’introduction des matières plastiques recyclées et une aide à l’investissement dans l’adaptation des processus de fabrication utilisant des matières plastiques issues du recyclage. De nombreux programmes ont été financés pour sauvegarder des emplois et aider les plasturgistes français à incorporer du plastique recyclé.
Le premier semestre 2023 est donc compliqué pour la filière recyclage. La fédération appelle à la responsabilisation des plasturgistes : en effet, pour la bonne santé de la filière, il faut une certaine constance dans la demande en plastiques recyclés.
En théorie, le recyclage est censé réduire la quantité des déchets, limiter les émissions de CO 2 et économiser de l’énergie : une étude de 2017 a montré qu’une tonne de PET recyclé permettait d’économiser 70 % de gaz à effet de serre et 83 % d’énergie par rapport à la production d’une tonne de résine vierge.
Mais cet idéal se heurte à la réalité prosaïque de la filière : le réemploi de la matière est compliqué pour plusieurs raisons et l’on peut comprendre cette tendance des industriels du plastique à se détourner parfois des matières issues du recyclage.
Une matière compliquée à travailler, à RE cycler
Il y a d’abord des obstacles techniques :
Par exemple, tous les polymères ne se recyclent pas.
Il faut savoir que la grande partie du recyclage (en attente du déploiement des 3 principaux projets industriels de recyclage chimique – Carbios, Estmann et BASF) se fait par voie mécanique : triage, broyage, lavage puis fonte de la matière en granulés prêts à être réutilisés.
Le recyclage mécanique fonctionne bien avec les objets constitués d’un seul polymère, qui peut être refondu, et devient très complexe avec les matériaux composites, multicouches (comme les Tetrapack) ou les matières adhésives.
D’autre part, le procédé de recyclage mécanique altère les propriétés du polymère.
Le broyage, les changements de phase et les pressions exercées sur la matière dégrade ses propriétés physiques et chimiques : la matière issue du recyclage sera donc de qualité inférieure à la matière vierge. Par conséquent, Le recyclage ne sera jamais infini, à cause de la dégradation de matière. Un exemple concret : cette nouvelle matière offre moins de possibilité de couleurs (car on ne peut retirer le colorant du plastique à recycler) donc le plastique issu du recyclage et donc de matières « premières » de différentes couleurs, restera souvent gris ou noir.
On observe aussi des obstacles réglementaires.
En effet, certaines substances autorisées il y a une quinzaine d’années (par exemple dans les composants plastiques présents dans les voitures) ne le sont plus en 2023. Les plastiques qui contiennent ces produits interdits seront exclus du recyclage aujourd’hui. On connait le cas du PVC et des encadrements de fenêtre dont le plastique recyclé contient du plomb, et qui a obtenu une dérogation européenne pour son utilisation.
La réglementation des substances au niveau européen se durcissant d’année en année, le recyclage des plastiques mis sur le marché il y a plusieurs années est de plus en plus difficile.
Les nombreux défis du recyclage des plastiques
En conclusion, ce mécanisme à l’œuvre au premier semestre 2023 est bien connu : forte baisse des prix de la matière vierge, inflation et coûts de l’énergie conduisent les industriels à se reporter rapidement sur les plastiques vierges aux dépends des Matières Plastiques issues du Recyclage produites en France. La circularité des plastiques et le soutien aux industriels du recyclage sera optimale grâce à la concertation des pouvoirs publics – des obligations d’incorporation de matières recyclées – et l’effort des plasturgistes dans le maintien de leurs engagements.
Cependant, de manière plus globale, à l’instar de la tribune collective des Échos du 6/09 nous devons vraiment nous interroger – question d’engagement vital – sur notre production de plastique et ses usages et accélérer plus que jamais sa réduction.
L’époque est à l’union des forces, aux solutions alternatives disponibles, à la R&D et aux investissements d’avenir !
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Chez CESi-R, nous sommes experts des problématiques d’organisation des opérations de valorisation et recyclage matières, nous travaillons aussi très amont en conseil, soutien et accompagnement des chantiers d’éco-conception.